4 septembre
Arrivée à Édimbourg. Temps frais et variable. Il va le rester pendant tout mon séjour, avec des températures oscillant entre 5 et 15 degrés. Voyage en car vers Buchanan Station, à Glasgow. Là-bas, j’attends ma correspondance pour Drovers Inn où je reprendrai le cours de ma randonnée le long du WHW. Je me tiens devant un panneau sur lequel est affiché le plan de Glasgow. Un homme portant l’uniforme de la société de transport en car s’approche de moi et me demande si je viens d’Allemagne. Il repère les Allemands aisément, car il a constaté que la plupart d’entre eux portent un sac à dos Deuter. Il prend depuis quelque temps des cours pour apprendre la langue de Goethe, juste comme ça, pour le plaisir.
Transfert en car jusqu’à Drovers Inn. Je retrouve le terrain de camping de Beinglas Farm. Les midges traînent toujours dans le coin. Cependant, leur nombre semble avoir bien diminué par rapport à juin. Des campeurs pour l’essentiel originaires de pays ouest-européens, auxquels s’ajoutent des Tchèques, ont planté leur tente là. C’est la version camping du programme Erasmus, enrichie par la présence de pas mal d’Américains venus tâter du WHW.
5 septembre
Réveil dans la fraîcheur matinale. J’ai eu froid aux pieds la nuit dernière durant laquelle le mercure est tombé à 5 degrés. Va falloir trouver une solution à ce problème. Je me paie un Scottish breakfast roboratif en compagnie de deux jeunes Italiens sur le chemin du retour à Brescia. Je suis en forme et prêt à en découdre avec la route. Elle me mènera aujourd’hui à Tyndrum, 19 km plus au nord.
J’entre enfin dans la région des Highlands telle qu’on la voit en photo dans les guides touristiques. Les arbres se raréfient. La terre ne laisse pousser que de l’herbe, de la bruyère et quelques conifères. Partout, des collines et des montagnes arrondies qui atteignent environ mille mètres d’altitude. Le tracé du chemin épouse le plus souvent le lit de vallées en auge. J’avance en longeant ces grands ballons de terre et de roche. De temps en temps, la perspective s’ouvre sur d’autres vallées, sur des plaines où le regard porte loin. Et partout, de l’eau, des lochs plus ou moins vastes, des torrents plus ou moins larges. Ces derniers sont comme des petits fils blancs zébrant les pentes jaunes, vertes et noires. Lorsqu’ils croisent le chemin, leur cours sature d’eau la tourbe sombre où les chaussures du randonneur s’enfoncent. Les lochs présentent un visage dont les traits varient selon les humeurs du ciel. Celui-ci domine le décor dans tous les sens du terme, il donne le la et tout le reste en découle. Cependant, le ciel écossais est extrêmement capricieux. Les randonneurs du WHW font très vite l’expérience des quatre saisons condensées en un seul jour. Les précipitations sont très localisées, je vois parfois la pluie s’abattre à quelques centaines de mètres de moi, puis au gré du vent s’éloigner ou bien venir balayer la zone où je progresse. Sur le chemin, j’engage la conversation avec un petit groupe d’Écossais venus marcher tout le long du WHW pour fêter les soixante ans de l’une d’entre eux. Je vais les revoir quotidiennement jusqu’à samedi, à un moment ou l’autre de la journée.
Arrivée à Tyndrum sous la pluie. Installation de la tente sur le terrain de camping du By the Way Hostel and Campsite, dîner seul dans un petit café-restaurant et achat de chaussettes épaisses pour ne plus avoir froid aux pieds. Il pleut abondamment et cela va durer toute la nuit. De retour au camping, je m’assois à une table placée sous un préau. Une dizaine de personnes sont aussi là, à l’abri des intempéries. Certaines se font leur popotte. Je reconnais des visages déjà aperçus hier. On fait connaissance, on parle du chemin, de son coin d’origine, de choses diverses et variées. Je rencontre pour la première fois Andreas, Vickie, Olie, Bernhard, Denise, Marion, Arnaud, Albrecht, Stefan et d’autres encore. Nous allons former une petite communauté de randonneurs qui se reverront chaque jour jusqu’au bout pour marcher, converser, boire un coup et manger ensemble. Sur le WHW, c’est comme au Liverpool FC : “You’ll never walk alone”.
6 septembre
Au programme du jour, l’étape la plus longue de la semaine : 28 km depuis Tyndrum, en passant par Bridge of Orchy, puis par les tourbières de Rannoch Moor, jusqu’au camping du Glencoe Mountain Resort. Je parcours des territoires majestueux, où le regard se perd dans l’horizon lointain. Quelques moutons à la tête noire paissent çà et là dans ce vaste décor, ainsi qu’une poignée de vaches au long poil roux. Le sol tourbeux est gorgé d’eau. Rien ne bouge sur les lochs. Juste quelques ridelles se propagent au gré du vent sur leur surface. Le chemin est en revanche très fréquenté. Je ne m’y attendais pas à cette période de l’année. Cela cause parfois un peu de gêne quand je double une personne qui me redépasse cent mètres plus loin, au moment où je prends une courte pause pour contempler le paysage. Je fais un bout de route avec Vickie et Olie, deux charmantes Pragoises étudiantes en médecine. Aussi, avec Andreas qui travaille aux impôts du côté de Lüneburg. Et encore avec Denise et Bernhard, des anars écolos viennois. Dans l’ensemble, nous avons droit aujourd’hui à de belles éclaircies qui illuminent la lande et les sommets. Une poignée de rayons traversent de temps à autre un trou dans les nuages et viennent frapper une pente verte. Alors, les torrents blancs se mettent à briller intensément. Les nuages en constante recomposition produisent un spectacle fascinant. Ils se font et défont. Enfin, ils s’amassent en un épais bloc gris foncé, le brouillard nous enveloppe et les gouttes de pluie commencent à tomber.
J’arrive sous des trombes d’eau à Glencoe, un des hauts lieux du WHW. Mauvaise surprise pour les gens sans réservation, dont je ne fais pas partie : le terrain de camping affiche complet. Tous mes camarades randonneurs devront s’installer plus bas dans la vallée, à proximité d’un hôtel fermé cette année pour cause de travaux. Seule Vickie, qui a le caractère bien trempé, décide quand même de planter en douce la tente qu’elle partage avec Olie à quelques pas de la mienne. Nous mangeons ensuite tous les trois au resto du camping. Nous apprenons à mieux nous connaître. Un vrai bon moment passé ensemble. Puis, alors que le soleil se couche, nous assistons à un phénomène comme j’en ai vu rarement, une sorte d’apparition. Le genre de chose à vous faire croire aux fées et aux elfes censés peupler ces contrées du Nord-Ouest. Je me souviens d’avoir vu dans le temps avec Élisabeth et les enfants un arc-en-ciel complet, gigantesque, à une vingtaine de kilomètres au sud d’Aurillac. Il occupait tout l’espace, d’un bout à l’autre de l’horizon. Cette fois-ci, à Glencoe, un amas nuageux flotte à basse altitude au-dessus d’une large vallée située à quelques encablures de nous. À travers la grande baie vitrée du restaurant, on distingue nettement les fils de pluie arrosant toute la zone. Puis, le soleil se glisse derrière une montagne et ce faisant, envoie ses rayons à l’horizontale frapper les gouttes s’abattant sur le sol. Cela ne produit pas d’arc-en-ciel, mais plutôt une fulgurance, un halo éblouissant, mouillé, jaune et orange. La scène dure autour de dix minutes. Plein de gens interrompent leur dîner pour se rendre dehors et admirer ce spectacle inoubliable.
7 septembre
Seulement 16 km à avaler aujourd’hui. Autant dire : du nanan. Une agréable journée de promenade avec le Blackwater Hostel de Kinlochleven en ligne de mire. J’avance dans une large vallée en U. Le paysage est somptueux, mais la présence trop insistante d’une route à quelques centaines de mètres du chemin gâche en partie le plaisir. Tout un tas de véhicules roulent bruyamment sur la longue bande de bitume. Par moments, le moteur pétaradant d’une moto fait vibrer l’air, la végétation, tout le décor. Ce matin, il y a pas mal de trafic sur le sentier aussi. Un long convoi de randonneurs plus ou moins dense progresse sans hâte sur un terrain relativement plat à flanc de montagne. Au bout de 5 km environ, le chemin se colle à la route juste avant de la quitter abruptement en obliquant plein Nord. À cet endroit de dernier contact, une perspective s’ouvre dans la direction opposée sur une très belle vallée isolée, verte, large, sans rien, ni route, ni chemin, et gardée en son entrée par des montagnes de forme triangulaire.
Maintenant commence l’ascension de Devil’s Staircase. Ce secteur a été autrefois aménagé avec des morceaux de roche en guise de pavés pour faciliter le passage des gens. Et autant que je sache, le tracé du WHW épouse pour l’essentiel celui de voies empruntées jadis par les militaires, les commerçants, paysans, voyageurs, etc. Bref, il s’agissait de l’axe principal de communication qui tomba en désuétude une fois que fut achevée la construction de l’infrastructure routière et ferroviaire. La montée de Devil’s Staircase s’avère facile, malgré un nom propre à éveiller les craintes du randonneur. Arrivée tranquille en milieu d’après-midi dans le petit village de Kinlochleven. À l’entrée, sur la droite, le terrain de camping du Blackwater Hostel. Bernhard et Denise y ont déjà pris leur quartier. Cette dernière me dit qu’ils ont réservé une petite place pour ma tente juste à côté de la leur. Sympa.
Peu de temps après, on se retrouve à la terrasse du Highland Getaway Inn. Nous voici partis pour une soirée qui s’annonce assez arrosée, surtout pour Bernhard. Je converse un bon bout de temps avec lui. Un jeune Viennois au caractère bien trempé, fils de tenanciers de bar, il fume et boit un peu trop, en tout cas ce soir-là. C’est un grand lecteur féru de philosophie qui, selon ses dires, aurait pu s’intégrer dans le “système” en prenant le chemin des études de troisième cycle, mais qui au final a préféré devenir moniteur d’escalade plutôt que disons, ingénieur en informatique. Il aime transmettre sa passion et son savoir-faire, particulièrement aux gamins. Anti-conservateur, anti-libéral, et en conséquence fort mécontent de la situation politique actuelle en Autriche, il considère que la mentalité Red Bull, cette obsession pour la performance associée aux sports extrêmes, c’est quand même de la bonne grosse connerie. Sur ce point-là, je le rejoins sans hésiter et trinque avec lui pour marquer mon approbation. Son côté grande gueule lettrée me rappelle Roland, mon collègue d’antan à l’institut universitaire de recherche. Ces deux-là appartiennent à cette race d’individus qui arrivent à rester intéressants dans la conversation alors que les grammes d’alcool s’accumulent inlassablement dans leur circulation sanguine. C’est remarquable. Au cours de la soirée, j’ai aussi l’occasion de causer avec des gens plus modérés question picole et vision du monde, et au demeurant bien sympathiques : Albrecht et Stefan, deux étudiants en médecine à Magdeburg, Andreas, mon copain des impôts, et enfin Arnaud et sa grande soeur Marion, des jeunes Français avec qui je ferai plus ample connaissance une fois arrivé à Fort William.
8 septembre
Dernière journée de marche. 24 km à parcourir jusqu’à une borne située à côté d’un pub à Fort William. Elle marque le point final du WHW, un chemin long de 154,5 km. Tout en progressant dans une large vallée en U, une de plus, je discute avec un Gallois d’une soixantaine d’années. Dans notre petite communauté de randonneurs, on en trouve certains qui laissent une société de transport transférer leurs bagages vers l’étape suivante. Il y en a aussi qui ont réservé leur nuitée dans une chambre cosy. Et puis, on compte ceux qui portent tout leur barda et dorment sous la tente. Le marcheur du Pays de Galle fait partie de cette espèce-là. Je l’avais déjà repéré quelques jours plus tôt en pleine discussion avec un gars de Rotterdam. Le Brexit l’exaspère. Il racontait que l’ex-ministre Boris Johnson s’était fait autrefois virer du Times, car il avait bidonné des articles. Je ne savais pas que ce Trump à la mode anglaise avait été journaliste. À propos du portage de tout le barda sur les épaules, j’ai croisé des gens cette semaine avec, selon moi, un sac à dos bien trop rempli. Vickie et Olie estiment par exemple qu’elles trimballent une charge de 20 kg chacune depuis le début de leur périple. Quant à moi, je suis fort satisfait d’avoir minimisé le poids de mes affaires à environ 8 kg.
Nous nous approchons d’une maison en ruine. La vie a dû être rude jadis pour les paysans du coin. Çà et là, des moutons épars sur le flanc des montagnes. La vallée fait un coude à droite. Le chemin va bientôt descendre vers la destination finale du WHW. Soudain, un homme surgit devant moi en courant dans la direction opposée. Il est maigre. Un de ses genoux saigne légèrement. Il porte un dossard numéroté et un sac “camelback”. Ses traits sont tendus par l’effort. Plein d’autres le suivent depuis Fort William, en se déplaçant à un rythme plus ou moins soutenu, voire tout simplement en marchant. Tous ces sportifs participent à la Coast to Coast Rat Race, qui combine course à pied, en vélo et en kayak à travers les Highlands. Je repense à cette mentalité “Red Bull”, au goût pour l’extrême et la performance – un truc qui attire notamment des quarantenaires voulant se prouver qu’ils restent au top de leur forme -, et je me demande si cette course de rats ne rentre pas aussi dans la catégorie de ces sports un peu à la con. À plusieurs reprises, je dois me mettre de côté pour laisser passer les athlètes. Certains sont polis et souriants, et d’autres pas du tout. Au passage, je me souviens d’avoir lu quelque part un petit article de journal rapportant qu’un ultramarathonien a parcouru en 2017 les 150 et quelques kilomètres du WHW en moins de 14 h.
Je longe le Ben Nevis dont le sommet arrondi est plongé dans les nuages. Il pleut en cette fin d’après-midi. Les prévisions météo pour le temps de demain au sommet du Ben Nevis sont mauvaises : visibilité nulle et température autour de 3 degrés. Mon projet d’ascension du point culminant de la Grande-Bretagne me paraît fort compromis. Quelques uns de mes camarades de route plantent leur tente sur le terrain de camping situé 4 km avant Fort William. Ils atteindront le but de la randonnée demain. Quant à moi, je poursuis jusqu’au bout. Je passe devant des azalées qui me rappellent celles vues juste après Milngavie, au mois de mai dernier. Des grosses gouttes d’eau dégoulinent sur leurs feuilles vert sombre. Ça y est ! Voici l’arrivée. Elle se compose en fait de deux parties : une ancienne borne à l’entrée de Fort William et la nouvelle positionnée avantageusement au bout de la zone piétonne et commerçante du centre-ville. J’atteins la première borne avec une demoiselle américaine à la tête rasée et tatouée, accompagnée d’une dame beaucoup plus âgée. La jeune femme termine la course sur une patte, la deuxième étant strappée et raidie depuis plusieurs jours déjà. Elles se sert de ses bâtons de randonnée comme s’il s’agissait de béquilles. Nous nous félicitons mutuellement. Je traverse ensuite la zone piétonne pour rejoindre la deuxième borne qui marque depuis quelques années le point final officiel du WHW. À cet endroit-là se dresse un panneau à côté d’un banc. Et sur ce dernier est assis un bonhomme en bronze, chauve, souriant, une jambe posée sur l’autre. Qui ça peut bien être ? Aucune idée. Je m’assied à sa gauche et lui tape sur l’épaule. Puis, une dame me photographie avec mon smartphone.
Et juste là, au bord de la placette, un pub, le Wetherspoon ! Impossible de ne pas s’y rendre. Je pousse la porte et retrouve à l’intérieur tout un tas de gens croisés à de multiples reprises cette semaine, qui ont constitué avec moi notre petite communauté de marcheurs. Nous voici arrivés enfin au but. Là encore, nous nous félicitons mutuellement, puis buvons un coup ensemble. Un vrai beau moment de joie partagée que nous tentons de prolonger un peu, en sachant qu’il va bien falloir se séparer pour de bon, abandonner le rythme de la randonnée et laisser l’euphorie s’estomper pour vaquer à nouveau à nos préoccupations quotidiennes respectives. Je me rends ensuite au Bank Street Lodge, un petit hôtel honnête qui propose des chambres pas chères, une denrée rare à Fort William. À partir de ce soir, c’en est fini des nuits passées sous la tente. Je me regarde dans le miroir de la salle de bain. J’arbore une barbe de plusieurs jours. Pas mal de piqûres de midges émaillent mon front. Ces saloperies de mouches voraces ne m’ont pas épargné. Après un repas avalé rapidement dans ma chambre, je ressors. C’est samedi soir. Le bitume mouillé de la zone piétonne réfléchit la lumière chaude des pubs. Je retourne au Wetherspoon pour retrouver d’autres randonneurs.
9 septembre
Mes compagnons de voyage qui ont passé la nuit sur un terrain de camping à 4 km de Fort William me rejoignent ce matin devant le banc qui marque la fin du WHW. Nous prenons le petit déjeuner au Wetherspoon et devisons tranquillement dans les effluves de café et de Scottish breakfast. Dehors, il pleut. Le temps va demeurer ainsi une bonne partie de la journée. Pas la peine d’espérer gravir aujourd’hui les pentes du Ben Nevis. Le musée local sur la vie dans les Highlands est fermé le dimanche. Il reste l’option d’un voyage d’une demi-heure en train jusqu’à Glenfinnan où se trouve un petit viaduc devenu célèbre depuis que le Hogwarts Express roule dessus dans les aventures filmées de Harry Potter. J’arrive à convaincre mes copines tchèques Vickie et Olie d’aller faire un tour là-bas pour se promener dans le coin, prendre des photos et visiter un petit musée. Et tant pis s’il ne s’agira pas du train à vapeur du film, qui de toute façon affiche déjà complet pour la journée. À la gare de Fort William, nous disons adieu à Stefan, Albrecht et Andreas qui prennent le bus vers Glasgow, tandis que Vickie, Olie et moi embarquons dans un petit tortillard composé de deux wagons.
À Glenfinnan, nous mitraillons le viaduc à tour de bras. Nous sommes aussi à nouveau les témoins d’une de ces “apparitions” déjà observée à Glencoe. Cette fois-ci, de l’autre côté d’un loch, les rayons du soleil frappent en plein coeur une averse transfigurée en halo blanc intense. À la fin de notre balade, nous déjeunons dans un wagon à l’ancienne parqué à côté de la gare et recyclé en petit restaurant. Je discute avec les deux jeunes étudiantes en médecine de Prague. Elles sont charmantes. Vickie a un caractère bien trempé et l’esprit volontaire tandis qu’Olie fait preuve de plus de sagesse et de diplomatie. Elles font bien la paire.
De retour à Fort William en fin d’après-midi. Là aussi est venu le temps des adieux avec mes deux amies tchèques, qui prendront demain la route d’Inverness, alors que je grimperai dès 7 h 00 dans le bus pour Glasgow. Voilà, fin du compagnonnage. J’ai encore prévu de voir Arnaud et Marion dans la soirée au Wetherspoon et ensuite, je me trouverai à nouveau seul. Vers 20 h 30, je vais pour la dernière fois au pub. Il pleut sur la zone piétonne de Fort William. Je déambule lentement sur le pavé mouillé dans un centre-ville quasiment désert. Mes vêtements me protègent efficacement du mauvais temps. Je me sens bien. J’aime la pluie, cette douche écossaise de fin d’été. Elle est un élément constitutif de cette contrée et de sa culture.
Arnaud et Marion sont sympa. Sur le chemin, j’ai côtoyé des gens de tous âges. Dans le cas présent, c’est moi le plus vieux. Arnaud – vingt ans, une gueule d’acteur – a trimballé tout le long du WHW son skate board ! Je me demande s’il n’a pas accompli par là-même une première mondiale. Il a stoppé ses études à l’université et cherche visiblement sa voie. C’est peut-être en partie pour ça qu’il a accompagné sa soeur aînée sur le WHW, Marion, une jeune maman de 28 ans portant des grandes lunettes rondes à la Harry Potter. Elle me semble aussi en quête d’un second souffle, suite à un divorce qui a singulièrement compliqué sa vie, la forçant à se réorienter professionnellement et à trouver un modus vivendi pour assurer l’éducation de son enfant. Maintenant, elle étudie la philosophie à distance et travaille entre-temps comme ouvrière agricole dans le domaine viticole de ses parents. Leur voyage en Écosse à la mode routarde (camping sauvage, minimisation des coûts) leur sert en quelque sorte à ouvrir en grand la fenêtre pour faire entrer de l’air frais dans leur existence. Nous passons un bon moment ensemble à tailler le bout de gras. À notre table se trouvent aussi quatre hurluberlus belges d’à peine 18 ans, rencontrés dans le pub. Ils éclusent des bières en quantité appréciable et paient des tournées dans la joie et la bonne humeur. C’est plutôt marrant de se retrouver là avec des jeunots de l’âge de Madeleine. Ces gamins flamands remuants parlent de leur carnaval avec fierté, en long et en large. Ils viennent d’Alost. J’en profite pour leur faire la publicité de celui de Dunkerque. Au passage, je note qu’ils font plus que juste se débrouiller en français. Je peux vraiment converser avec eux comme si j’étais assis en face de Wallons.
Les parents d’Arnaud et Marion élèvent des chevaux et produisent du vin bio dans le Lot-et-Garonne. Leur site web donne envie d’aller à l’occasion faire un tour dans leur domaine : https://mouthes-le-bihan.fr/.
10 septembre
Debout aux aurores afin d’attraper à 7 h un car en partance pour Glasgow. Pendant le voyage retour, je reconnais assis tranquillement dans mon siège les paysages traversés à pied dans l’autre sens. Correspondance à Glasgow Buchanan pour continuer ma route vers Édimbourg. Une fois arrivé à bon port autour de midi, j’avale un fish and chips au restaurant Olive Branch, puis m’installe dans mon logement, la A Haven Guest House, située dans le quartier de Leith. Je passe l’après-midi dans la Scottish National Portrait Gallery, encore un musée gratuit qui vaut sacrément le détour. Ensuite, balade en ville, sans achat. Il pleut un peu, of course. En début de soirée, dîner dans la chambre devant la télévision. Je vide une conserve de je ne sais plus quoi. Pour une fois, ce n’était pas des baked beans. Petite promenade digestive à la nuit tombée pour m’approcher du yacht royal Britannia, mais la zone d’accès est malheureusement clôturée. Juste à côté, dans un parking réparti sur plusieurs étages, quelques voitures font un bruit du tonnerre. Certaines en déboulent à toute allure et filent sur la chaussée mouillée en s’éloignant dans l’obscurité. Puis, elles reviennent du diable Vauvert et s’engouffrent à nouveau dans le parking. Un véritable manège vrombissant. Ce ballet automobile semble tout droit sorti d’un polar américain.
11 septembre
Un retour sans histoire. Atterrissage à Francfort. Fait chaud ici, entre 25 et 30 degrés ! L’automne attendra… La fraîcheur pluvieuse d’Édimbourg me convenait mieux. Je commence à taper les notes de mon carnet de route dans l’aéroport, en attendant le train pour Stuttgart.