Panique à Munich

Je me suis fendu d’un quatrain isométrique d’alexandrins à rimes croisées.

C’est du boulot, mais il méritait bien ça, le bougre. Attention, on y va, c’est parti !…

A Munich, sonne le glas, vent froid de panique ;
Justice en dérive, carte blanche aux gangsters !
L’inoubliable, l’inégalable Derrick
N’est plus, Munich en noir pleure son flic austère.

Bon, normalement, on est censé croiser deux rimes féminines avec deux rimes masculines, mais là flute, prout!… y a pas marqué “Verlaine” sur mon front. Ca va faire 3 plombes que je me surchauffe les neurones sur ce foutu quatrain, alors basta ! faut pas charrier, et puis je dois garder un peu d’inspiration et de verve sous le coude quand ça sera le tour de Chirac ou Giscard.

Derrick, l’unique objet d’un polar allemand ! Pierre Corneille, Horace (IV, 6)

Ah ben, c’est ballot

“Ah, ben c’est ballot !”

L’expression semble être fréquemment employée ces temps-ci en France.

Souhaitant en savoir plus, j’ai mené une enquête précise, du sérieux, du solide, dans le détail.

A l’issue de ce travail de fourmi, je puis sans l’ombre d’un doute affirmer ceci : “Ah ben, c’est Balot” (avec un seul L).

Comme sur la pochette de London Calling…

… sauf que ça s’est passé avec la guitare sèche que mon frère m’a donnée il y a des lustres (dans London Calling, c’est une basse qui morfle).

Paul Simonon, bassiste de The Clash

L’autre jour, Ferdi a fait son Jimi Hendrix dessus. Il m’a pété 3 cordes. Bon. Je vais au magasin, j’achète des cordes et de retour à la maison, je te répare tout bien. En plus, j’ai un copain italien ici, Luca, qui est un super gratteux. Alors, il me remet tout d’équerre. Nickel… une nouvelle petite victoire contre l’entropie (qui certes gagnera quand même la guerre au final, mais on va pas débattre de ça maintenant).

Et après, débarque Pierre Rich… euh non, en fait c’est Clémentine, qui prend ma guitare, fait un peu le clown avec, veut la poser par terre, rate la manoeuvre d’un léger poilounet, la guitare tombe sur le côté et boum ! le haut du manche se barre du reste… crac ! arraché d’un coup sec.

Elle est morte. Pas Clémentine, enfin pas encore, on n’est pas pressé, mais la guitare, oui c’est confirmé.

Reste plus qu’à la cramer dans le jardin au printemps prochain en mettant Voodoo Chile à fond les manettes dans les enceintes. Ca lui fera une belle mort. Elle le mérite. Je lui ai fait sortir des sonorités tellement foireuses pendant toute sa vie avec moi que je lui dois bien ça.

Centre de la France

La Coquillonerie

Août 2008. Madeleine vous donne le bonjour depuis Farges-Allichamps, l’un des centres présumés de la France. Elle exprime par le geste le douloureux sentiment que nous ressentîmes cet après-midi-là à l’issue de la recherche d’un monument consacré au statut particulier du lieu. En guise de monument, nous trouvâmes seulement une aire d’autoroute baptisée “Centre de la France”. D’où le dépit exprimé par Madeleine sur la photo ci-dessus.

L’excellent goûter dont nous nous régalâmes au bord de la rivière du Cher, qui départage les communes de Farges-Allichamps et de Bruère-Allichamps, nous remit du baume au coeur.

La démocratie chinoise pour 20 millions de dollars

Chinese Democracy des Guns n Roses, sorti en novembre 2008

J’ai pas encore écouté le dernier Guns en entier, juste un morceau ou deux. Au moment où j’écris cette phrase, Tannhäuser commence à peine de tonner dans les enceintes, va y en avoir pour 3 h 15 mn de cavalcade héroïque. Peut-être qu’il n’est pas super le dernier Guns en fait, mais peu importe, j’aime déjà cet album sans l’avoir écouté. En ces temps de crise, de sévère nervous breakdown globalisé, alors que les services des ressources humaines de toutes les boîtes du monde entier annoncent d’un même souffle glacé à leurs employés qu’ils sont formidables, qu’ils n’auront pas d’augmentation, que même pour le papier toilette, on n’est pas certain d’avoir le budget l’an prochain, que de toute façon, faudra virer 30% du personnel, ah ! et puis au fait, c’est vacances obligatoires prolongées pour tous à la fin décembre, y a pas le choix, mais réjouissez-vous, on aime vous voir de temps en temps vous consacrer à votre famille, c’est si important la famille, et bien sûr, last but not least, joyeux Noël, hein, et consommez, consommez pour nous sauver du gouffre ! (détail marrant, même en temps d’euphorie économique, les RH envoient généralement à peu près le même message en fin d’année) – en ces temps de crise, donc, et de retours sur investissement calculés aux petits oignons ric-rac par des gusses fiers d’ajouter à leur signature de courriel du bling bling honorifique du genre “PMP” (Project Management Professional) ou “Master en business chose” pour signifier l’obtention d’un clinquant diplôme à la mode octroyé par une quelconque business school en vogue moyennant espèces sonnantes et trébuchantes – vanitas vanitatum, omnia vanitas – bref, en ces temps où faut faire attention avec l’argent, celui qui n’a pas encore disparu d’un fatal coup de baguette magique à Wall Street, voilà un artiste, Axl Rose, leader/penseur/dictateur du groupe Guns n’ Roses , avec sa réputation de dérangé niveau Ligue des Champions, souffrant, à ce qu’on prétend, de pychose maniaco-dépressive (on appelle ça un “trouble bipolaire” de nos jours), voilà un type donc qui a fait cracher à la sociéte Geffen Records, sa maison de disques, 13 millions de dollars au bassinet… pour un album qui bon an mal an aura pris 14 années à être complété, ficelé et publié !

Axl est paraît-il très attentif au moindre détail dans son travail, un obsédé grave de la perfection, voyez-vous… Alors, pour faire du bon boulot convenable, eh oui, ça prend bien 14 ans de frais de studio, avec pléthore de musiciens et producteurs embauchés puis virés. Dans la jaquette intérieure du disque, la liste exhaustive des collaborateurs au projet est longue comme le bras. 14 ans de tergiversations, de tension, de calme relatif, de disputes, de combat, de progrès, de recul, de bruit, de repli, de mutisme, avec un peu de musique enregistrée et mixée de temps en temps. Un long accouchement sans péridurale. Axl qui n’est pas pingre a même sorti 7 millions supplémentaires de sa propre poche pour sauver le projet du naufrage complet au moment où les pontes de Geffen Records sentaient confusément, mais vraiment confusément, juste une vague impression furtive, qu’ils étaient en train de financer un Titanic rock ‘n’ rollesque. Ca me le rend sympathique, Axl, son côté folie des grandeurs à la Howard Hughes. Dans le fond, il a l’air de s’en foutre royalement du fric, c’est un artiste, un poète, un vrai. Un homme qui a berné des zozos en costard diplomés de business schools – qui leur a extorqué 13 millions de dollars ! – celui-là est un sage à sa façon, non ?… un peu comme Lou Reed qui en son temps réussit à convaincre sa maison de disques de financer un double album de bruit informe produit par des guitares jouant seules, posées près d’énormes amplis, le tout avec le volume poussé à bloc. Axl a bille en tête son projet, son oeuvre, le grand oeuvre, l’obsession d’une vie, une maladie sérieuse qui ne le lâche pas, peu importe le prix, peu importent les années, la souffrance, les blessés, les morts. Vu qu’Axl est troublé bipolaire, de toute façon rien de sérieux ne peut se concevoir à ses yeux sans douleur infernale, enfin je suppose… A la fin, seule l’Oeuvre compte, de celles dont sont capables ces Américains qui voient grand, trop grand, jusqu’à l’absurde et la chute. Mais, ce sont ces Américains-là dont on parle encore bien des années plus tard… tiens même, certains d’entre eux, on les aime, on les craint aussi… des barrés baroques, de la chair à histoires ces gens-là, qui font les Etats-Unis, un pays où l’on fait beaucoup d’histoires.

En plus, question rentabilité et perspectives d’avenir de ce projet enfin abouti, maintenant faut voir… L’album sort en CD à une période où tout part en sucette, c’est la crise, financière, mondiale, globale… et 14 ans plus tard, tout le monde télécharge désormais illégalement sa musique au lieu d’acheter ces bons vieux CD. Et puis, le titre de l’oeuvre… Génial, le titre ! Chinese Democracy. En conséquence de quoi, le gouvernement chinois a sans surprise banni l’album de l’Empire du milieu. Tout le marché chinois perdu, envolé, pfuit !… Des milliards de consommateurs ! C’est pas la classe, ça ? C’est pas rock ‘n’ roll ?… TOUT LE MARCHE CHINOIS ! Ils oseraient pas faire pareil chez Google, Total et autres multinationales sur le qui-vive, pétochardes dès qu’on sussure le mot “Chine” à leur oreille tremblante, courtisanes cupides rivalisant de tapis rouges, ronds de jambe, champagne et petits fours dans les ambassades et salons commerciaux de Pékin, Chang-hai et tutti quanti. Axl lui s’en balance de ces foutus motherfuckers de pseudo-cocos ultralibéraux du gouvernement chinois et de ses parts de marché envoyées à dache.

Résultat: aux dernières nouvelles, l’album (qu’il va bien falloir que j’écoute un jour ou l’autre) ne cartonne pas autant que prévu. Bon, une évolution plus heureuse n’est pas à exclure, mais pour le moment, les experts en marketingue de Geffen Records ont calculé dans Excel les bénéfs prévus, et là ils font grise mine, particulièrement parce qu’Axl n’a pas participé à la promo de l’objet. Visiblement, y a pas eu de plateau télé, pas de sempiternelle question débile posée entre deux pages de pub : “Alors Axl, quelle est votre actualité ?” Sa dernière conf de presse date de 1994 ! Sur le site de Wikipédia, il est écrit qu’il n’a pas donné de signe de vie depuis au moins deux mois, il ne répond pas aux coups de fil, rien.