West Highland Way, 1er épisode

26 mai 2018

Édimbourg. Sortie avion. Temps frais. Des bourrasques de vent refroidissent le corps. Bus pour Glasgow. Nuitée à l’Amadeus Guest House.


27 mai 2018

Une journée à Glasgow. La ville est à prendre ou à laisser. Architecture hétéroclite. Centre à la façon d’une ville américaine avec des artères tirées au cordeau. Par endroits, des faux airs de San Francisco quand les rues grimpent à pic sur le flanc d’une colline. Après une phase d’acclimatation, je trouve Glasgow pas mal. Accueil impeccable à la guest house. Musée épatant dans le grand parc de Kelvingrove. À l’intérieur, on trouve de tout, des tableaux, des sculptures, de l’Histoire, de l’art, du design, un Spitfire attaché au plafond qui survole des animaux de la savane africaine. Le parc botanique au NO de la ville mérite aussi une visite. De belles serres de verre et de métal peint en blanc, aux formes arrondies. En début de soirée, de retour vers la guest house en longeant la rivière Kelvin. Depuis la rive couverte d’arbres, on entend la ville sans la voir.

This slideshow requires JavaScript.


28 mai 2018

Bus à 7 h 20 pour Milngavie (prononcer “Moulguaïe”, la langue de Shakespeare est merveilleuse). Ma main se pose sur la borne zéro du West Highland Way vers 8 h. Objectif : le Loch Lomond, une trentaine de km plus loin. Dans la forêt, à quelques encablures seulement de la zone urbaine, je vois plein d’azalées (ou rhododendrons ?) imposantes, qui se déploient magnifiquement dans l’espace pourtant encombré du sous-bois. J’aperçois mon premier loch dans la matinée. Un Glaswegian, qui marche de Milngavie à Balmaha une fois par an à la fin mai, parcourt un bout de chemin avec moi. Il a vécu quelque temps en France (Baie de Somme, Cévennes) et travaille dans le transport public. Ça nous donne des sujets de conversation. Mon compagnon de route progresse à vive allure. J’ai du mal à soutenir son rythme. Au niveau de Drymen, il m’indique où se trouve le terrain de camping de Millarochy Bay, et je le laisse filer devant moi. Mon sac à dos me fait mal. Il doit peser autour de 11 kilos. Belle journée aujourd’hui, avec une température au-dessus de la barre des 20 degrés. Je traverse plusieurs zones sans ombre. Montée de Conic Hill. Superbe point de vue sur le Loch Lomond. Puis, descente vers Balmaha. Là-bas, beaucoup de monde est venu passer la journée fériée au bord du lac. Je bois d’une traite une Stella Artois de 66 cl. Encore 3 km jusqu’au camping. Je monte la tente vers 18 h 15. La journée a été physiquement éprouvante. Balade le soir sur la plage. Cet endroit se trouve à 56 degrés Nord de latitude. La nuit tombe donc fort tard dans la soirée à cette époque de l’année. Les minuscules midges sont malheureusement de sortie et très actives.

This slideshow requires JavaScript.


29 mai 2018

Longue étape au bord du Loch Lomond (un nom très apprécié par le capitaine Haddock). Chemin pas évident sur plus de 30 km. Du caillou en masse. Le sentier côtier monte, descend, remonte, etc. La plupart du temps, il reste à l’ombre des arbres. En bordure, des azalées, de l’ail des ours, des violettes, des arbustes aux fleurs jaunes. Et toujours présent juste sur ma gauche, l’imposant loch entouré de montagnes. Sous le soleil, il semble accueillant. On pourrait s’y baigner. Mais, il suffit que le vent souffle un peu, que le ciel se voile, et le loch devient soudainement gris, froid et profond. Beau et impressionnant. Mon sac à dos me fait affreusement mal depuis hier. À la fin de la journée, j’aurai parcouru autour de 65 km comme ça, dans un décor certes superbe, mais avec un bilan souffrance/plaisir négatif. J’envisage de laisser tomber. Je ne vois pas l’intérêt de poursuivre l’aventure si c’est pour souffrir tout le long du chemin. Au camping Beinglas Farm, je remplis un formulaire pour me faire transporter le sac demain. Encore beaucoup de midges ce soir (elles sont aussi très présentes le matin, puis quasiment pas dans la journée). Mais, grâce à mon chapeau à bord large équipé d’une moustiquaire, pas de problème. Au début, je pensais que j’aurai l’air d’un guignol avec un couvre-chef pareil, et très vite, j’ai constaté que les autres campeurs portent aussi ce genre de protection et qu’ils ont bien raison de le faire. Un point positif : les midges ne rentrent ni dans les tentes, ni dans les locaux du camping.

This slideshow requires JavaScript.


30 mai 2018

Au bout de 65 km, je dois malheureusement abandonner. Certes, mon sac à dos aurait pu être transporté jusqu’à Bridge of Orchy. Mais, je n’avais plus qu’un petit sac en toile de jute de la boulangerie Voß à ma disposition pour emporter mes provisions du jour. Ce matin, au bout de 500 m sur le chemin, je constate que je ne pourrai pas tenir plus de trente km en trimbalant cette petite poche ridicule qui tape sans arrêt sur mon flanc droit. La veille au soir, suite au deux premières étapes, je ne voulais plus poursuivre la route en portant entre 10 et 12 kg sur les épaules. Ça me faisait vraiment trop mal. Régulièrement, je changeais le réglage des lanières, en vain. De plus, quelqu’un dans le ICE pour Francfort a endommagé l’attache ventrale de mon sac à dos en posant sans ménagement sa valise dessus. Mais, même avec une attache en bon état, j’aurais ressenti des douleurs. Il aurait fallu aussi se donner plus de temps pour parcourir tout le trajet. Ce n’était pas une bonne idée de se lancer quotidiennement à l’assaut d’une étape de plus de 30 km, 5 jours durant sur du chemin plutôt exigeant. Un tel dessein occasionne des journées longues, de 10 heures de marche, durant lesquelles je n’ai pas vraiment le temps de prendre des pauses pour souffler et admirer le paysage. Il faut crapahuter sans relâche et le plaisir de la randonnée s’en trouve considérablement réduit. Conclusion : jet de l’éponge et retour à Glasgow où je passe l’après-midi à me promener, les épaules légères: cathédrale St. Mungo, centre-ville, Hunterian Museum, université de Glasgow (architecture néo-gothique à la Harry Potter), passerelle sur la rivière Clyde. Décidément, cette ville est à prendre cash. Pas toujours bien propre. Mais, attachante une fois qu’on a trouvé ses repères. Ce soir, fish and chips à The Oxford et un verre de whisky Old Pulteney dans le Old Victoria, le repère pas cher, sympa et très animé des étudiants de la Glasgow School of Art, sur lequel je suis tombé au hasard de mes vagabondages urbains.

This slideshow requires JavaScript.


31 mai 2018

J’ai repensé aux raisons de mon échec. Je suis parti la fleur au fusil, sans préparation sérieuse du plan des étapes, en croyant qu’avec la tente je pourrai improviser au fur et à mesure de la randonnée. Je me suis rendu compte seulement dimanche qu’il me faudrait marcher tous les jours (sauf le dernier) plus de 30 km en portant entre 10 et 12 kg sur le dos, si je voulais atteindre Fort William le vendredi après-midi. Et puis, trop d’incertitude ne me réussit pas toujours. Pas mon truc. J’aime bien planifier l’action un minimum et anticiper les problèmes potentiels. Du coup, mon impréparation a transformé mon périple en une pure performance sportive. Un peu de prouesse physique de temps à autre, pourquoi pas, mais si cet aspect occupe toute la place et que la douleur prend le dessus sur le plaisir de se promener dans des beaux paysages, alors que la performance aille se faire voir ailleurs. M’en fiche d’elle, c’est juste un bonus en option.

Aujourd’hui, visite d’Édimbourg dont la région urbaine compte un million d’habitants. De premier abord, le contraste avec Glasgow est saisissant. Belle unité architecturale, du néo-gothique “à la Harry Potter”. Ça sent l’Histoire, la culture, la littérature, la bourgeoisie, le rugby. On évolue dans le cosy. Alors qu’à Glasgow (agglomération de 3 millions d’habitants), on baigne dans l’industrie, le populaire, le foot. Cela dit, il faut y regarder de plus près. Par exemple, j’ai constaté un nombre important d’universités à Glasgow. Mais, revenons à la capitale de l’Écosse. Je déambule dans les rues de son centre en passant par le château, le Royal Mile, la cathédrale et le palais de Holyrood. Tout cela est certes superbe, mais encombré de touristes. Donc, à voir sans l’ombre d’un doute, mais sans excès. J’aime bien la maison du réformateur John Knox. La ville n’est pas plate. Super points de vue sur la zone urbaine depuis le parc de Calton Hill. Un guide allemand raconte plein d’histoires à un groupe de touristes. J’en profite pour écouter des petites anecdotes. La Luftwaffe a lancé par erreur pendant quelque temps des bombes sur une île au large du port, car elle ressemble à un bateau. De toute façon, leur vraie cible, c’était les chantiers navals de Glasgow, pas vraiment Édimbourg. En fin d’après-midi, je retourne dans mon quartier et bois une pinte dans un rade pur jus, le Kings Arms. Derrière le comptoir, une jeune femme tient les rênes de l’affaire. Directe, un peu rustaude, mais dans le fond probablement sympa. On sent qu’elle est rompue au commerce avec une clientèle de mâles prolos. Ça a manifestement déteint sur elle. Des habitués d’un certain âge sirotent leur bière sans hâte. On ne s’intéresse pas du tout à moi. Il n’y aura pas de socialisation tant vantée dans les guides touristiques, en tout cas pas dans ce pub où mon apparence jure trop avec le décor ambiant. Balade le soir le long de l’Union Canal. Un de ces coins que j’adore. Dans la cité, mais tranquille, vert. En vrac : une série d’immeubles modernes intéressants, puis d’anciens très bien aussi, une église au bord de l’eau, une dame qui enseigne le pagayage à deux jeunes femmes, des joggeurs, des cyclistes, des promeneurs, une lumière douce, et du temps pour humer le tout. Un match de foot se déroule dans un parc à proximité. Deux clubs de jeunes de la ville, un arbitre, deux entraîneurs et quelques parents debout autour du terrain. Le football est un art incertain. Tout près de l’action, au bord de la ligne de touche, on constate bien à quel point il s’avère ardu de chorégraphier le jeu. Le ballon pèse lourd. Glissant, incontrôlable, il fuse sur la pelouse mouillée. Et parfois, rarement, un miracle a lieu. L’enchaînement des gestes fonctionne à merveille et le ballon termine sa course au fond des filets. Tout le monde autour du terrain attend fiévreusement ce moment de grâce qui tarde à venir. Le jeu est très mouvant, indécis, les gars se dépensent beaucoup, hurlent fréquemment des instructions, poussent des gueulantes. Au final, les rayés noir et blanc du quartier l’emportent sur les visiteurs vêtus de blanc.

This slideshow requires JavaScript.


1er juin 2018

Dans ma guest house, sur une table de la salle pour le petit déjeuner, un bouquin, une parodie du Club des cinq. Le titre : Five on Brexit Island. Très marrant ! Une théorie avancée par le livre : si l’un des personnages avait su avant le référendum à quel point la variété de saucisses sur le continent européen est grande, alors cette information aurait pesé très lourd dans son choix. Hier, j’ai vu à la télé un débat à propos du Brexit et de l’indépendance possible de l’Écosse. En gros, ça tourne en rond, un vrai merdier dont on ne semble pas pouvoir sortir. Les plaques d’immatriculation donnent à leur façon une idée de l’étendue du problème. Certaines voitures affichent les lettres GB, d’autres ENG – pas très populaires en Écosse -, d’autres encore SCO, et le tout combiné avec les étoiles de l’Union européenne, ou pas.

Aujourd’hui, visite du National Scottish Museum, encore un musée sensationnel, comme celui de Kelvingrove à Glasgow, mais en plus grand. On peut y passer plusieurs jours. Un grand hall clair surplombé d’une verrière, des petits passages discrets qui conduisent à d’autres halls de taille plus modeste. De quoi se perdre facilement. Une grande variété de thèmes : art, design, sciences, Histoire, nature. Et des machines merveilleuses du genre “steam punk” : une tour abritant une horloge et un manège mécanique infernal symbolisant le millénaire écoulé, une armoire musicale dont la façon de jouer dépend d’informations glanées sur l’internet. On peut soi-même influencer son jeu en postant un message sur Twitter (si j’ai bien compris). Tout en haut du bâtiment, la terrasse du musée offre l’occasion de méditer tranquillement en contemplant la ville. Il a plu un peu dans l’après-midi. Je suis retourné au Bennet, un pub à l’ancienne – pas de télé, pas de musique – où j’ai déjà bu un coup hier. Il est situé juste à côté d’un théâtre. Grosse affluence, ce soir. Des gens s’en jettent un petit avant d’aller voir une pièce. Cette fois-ci, ça a mordu, question socialisation. Je discute avec un gars qui sirote un vin blanc. Il était dans le temps marin à la Royal Navy. Dans le cadre d’un programme d’échange, il a passé une semaine dans les années 80 avec des soldats de la RFA qui gardaient la frontière avec l’Allemagne de l’Est. Les gars du Bundesgrenzschutz lui ont montré comment jouer des tours aux collègues d’en face au moyen d’un chien qu’ils envoyaient dans le no man’s land déclencher l’alarme. Quant aux Allemands de l’Ouest qui ont partagé pendant quelque temps le quotidien de leurs collègues écossais, ils sont revenus au pays en disant que ces derniers buvaient vraiment trop. Maintenant, mon ex-marin écrit un bouquin pour enfants, une histoire avec un elfe ami imaginaire d’un gamin. Il va essayer de se faire publier.

This slideshow requires JavaScript.


2 juin 2018

J’ai un peu discuté lors du petit déjeuner avec un couple de Danois. Et aussi avec Graham, le proprio. Souriant, très sympa, amateur de standards américains du genre Cole Porter. Un Écossais, un vrai. Donc, pas un grand fan de l’Angleterre. Il me cuisine tous les matins un Scottish breakfast. C’est du roboratif. Je fais le plein de protéines animales pour la journée : saucisse, oeuf sur le plat, bacon, une tranche de Scottish pudding (une sorte de boudin) et une de haggis. Pour tenter d’équilibrer le tout, juste un petit potato scone et une demi-tomate. Quand je pense que je mange rarement de la viande à Stuttgart… Mais, faut reconnaître que c’est bon ! Aujourd’hui, balade le long du petit fleuve Water of Leith à partir de Dean Village, puis visite du jardin botanique royal. Encore un lieu splendide où l’on pourrait passer plusieurs jours. Un véritable feu d’artifice floral. À deux pas de là, des gens jouent au cricket (un sport peu pratiqué en Écosse, d’après Graham) et d’autres au rugby. J’ai consacré aussi la journée au shopping. Sur le chemin du retour, j’ai même assisté à un concert en plein air dans le parc The Meadows. Une observation amusante : même s’il fait un peu frais (autour de 10 degrés le matin et de 20 l’après-midi), et même s’il pleut un peu, la plupart des gens portent des vêtements très légers, comme s’ils étaient sur la Côte d’Azur. L’été arrive, alors l’Écossais s’habille en conséquence, point final. Dans la journée, on a droit aux montagnes russes de la météo : soleil, nuages, pluie, fraîcheur, chaleur. Le soir, je m’envoie une pinte de Tennent’s pour dire au revoir au Bennet. Pas une seule fois je n’ai trouvé une place assise dans ce pub. Sur un des murs, un maillot du XV du chardon signé par les joueurs. J’ai passé un bien chouette séjour à Édimbourg. Cette ville me plaît. Maintenant, il va falloir réfléchir à remettre un projet “West Highland Way, le retour” sur les rails.

This slideshow requires JavaScript.


3 juin 2018

Retour à Stuttgart.

 

Leave a comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.